16.8.10

les remerciements



"l'emploi du temps", septembre 2007 - août 2010
© textes : laurent herrou / photographies : jeanpierre paringaux

15.8.10

la mise au point

tu emportais le matériel, les documents que tu avais rassemblés, tu gardais les visuels, les plans et les images, tu disparaissais brusquement là où tu avais plutôt joué de finesse pour ne pas semer le doute, tu quittais bruxelles le week-end du 15 août, sans sommation, ta silhouette familière s'engouffrait pour la dernière fois métro bockstael, tu ne te retournais pas, on pouvait nous observer, l'obscurité t'avalait alors que déjà je partais en sens inverse, retenant les mots, je conservais l'usufruit de la forme ouverte ensemble mais que les circonstances avaient obligé à modifier, tu ne me donnais pas de nouvelles conformément à ce que l'on avait mis au point, il fallait prendre de la distance si on voulait mener l'opération à son terme, plus aucun contact pour ne pas se trahir, rien ne semblait changer et tout était différent.

13.8.10

la nuance

on investissait le palais de justice, sacs en bandoulière et plastique rouge à la main, on déposait le chargement au premier étage, abrité par les colonnes monumentales de l'édifice, on se postait par-dessus le ballet que les robes noires dessinaient sur les motifs cabalistiques des mosaïques, on armait à plusieurs reprises, on visait, on déclenchait au silencieux, on s'enfonçait dans les sous-sols à la recherche d'un escalier d'honneur qui sans cesse se dérobait, on aboutissait face à la figure éternelle de démosthène aux pieds de marches en pierre qui menaient à des voûtes futuristes, on reprenait son souffle, la mission accomplie, on quittait les lieux sous le regard inquisiteur d'une brigade en bleu marine à laquelle je dissimulais le fait que mon téléphone, ouvert dans la paume, enregistrait leurs moindres faits et gestes, on consignait bruxelles une seconde fois, on y mettait une nuance pourtant

8.8.10

la mythologie

on marchait sous des étendues bleues que venaient grignoter des paquets de coton gris foncé, qui lâchaient par endroits une eau fine et rafraîchissante à la manière de brumisateurs géants, on avait rejoint une petite terrasse sur la place face à notre dame de laeken où un serveur tatoué, comprimé dans un tee-shirt à la gloire de l'incroyable hulk, me racontait ses colères, tu m'avais repris quand j'avais dit monsieur au curé qui avait fermé l'église après la messe, m'empêchant de la visiter — mais c'était ma faute : au lieu de parler avec le super héros, j'aurais dû te suivre —, je ne croyais pas que les hommes étaient investis d'une mission terrestre par un dieu dont l'existence ne m'intéressait qu'à titre mythologique, je préférais penser qu'il existait un monstre vert en chacun de nous, capable du pire comme du meilleur, je commandais donc un autre café

7.8.10

la piste brouillée

à onze heures, on buvait un café au flore, puis on serpentait jusqu'au sacré cœur pour y visiter la basilique et observer le panorama unique sur la ville, on en redescendait à pieds par les jardins, on attrapait un métro sur une place ronde et on revenait au centre pour y déjeuner sur un coin de comptoir et boire un deuxième café aux halles, on se passait dorénavant des images, si les mots pouvaient dire de la même manière paris ou bruxelles de sorte que l'on se serait perdu à la lecture, entre l'une ou l'autre des deux destinations, et pourquoi pas une troisième en s'y appliquant un peu, l'œil pour sa part restituait une réalité que tu souhaitais, pour des raisons personnelles, garder en toi — je me pliais à la contrainte nouvelle et, malin, je brouillais les pistes

4.8.10

les célébrités

j'occupais la maison de la femme d'un chanteur connu dont je rencontrais les enfants sans que l'identité de leur géniteur ne parvienne à s'imposer, sinon quelques heures après qu'ils aient disparu et que je replace chaque phrase entendue relative au père par rapport à qui il était vraiment, je dînais avec un artiste bruxellois et mon éditeur fidèle rue de la longue vie, de poissons grillés arrosés d'un entre deux mers incomparable, je partageais un cornet de frites et une bière blanche avec un designer belge féru d'art contemporain qui me faisait visiter sa collection personnelle et dont je quittais le showroom sous une pluie battante pour me précipiter dans un taxi, chaque journée apportait son lot de célébrités — toi-même, tu arrivais demain

3.8.10

la ligne de conduite

je prenais la 6 jusqu'à beekkant où je changeais pour la 1 vers le centre de bruxelles, le trajet demandait environ une demi-heure pendant laquelle je me surprenais à penser à londres et à new york parce que l'on avait davantage la sensation d'emprunter un train qu'un métro, comme c'était le cas à paris où la durée des déplacements pouvait être pourtant équivalente, je descendais place de brouckère par commodités, retrouvant les réflexes de novembre et cherchant à les dépasser, je capturais des images pour la forme, je ne souhaitais pas qu'elles remplacent les tiennes aussi je les gardais pour moi ou les envoyais en guise de carte postale par courrier électronique, je me cantonnais aux mots parce qu'ils étaient ma spécialité, c'était — et cela restait — ma ligne de conduite